Les évènements qui se déroulent en ce moment en Ukraine et les tensions internationales qui en découlent font resurgir des souvenirs pas si lointains. On ne peut s’empêcher de penser à la "normalisation" de la Tchécoslovaquie en 1968 ou à l’écrasement de l’insurrection hongroise en 1956. On se souvient aussi des tensions extrêmes entre l’Est et l’Ouest à l’époque de la Guerre froide, lors de l’affaire de Suez (1956) ou, plus grave encore, au moment de la crise des missiles de Cuba (1962), où, pendant 13 jours, le monde a été au bord de la guerre nucléaire.
Et pourtant, ces souvenirs ne sont pas pertinents pour comprendre ce qui se passe aujourd’hui. Le Guerre froide est finie. Les rapports de force dans le monde ont changé. La Russie n’est pas l’URSS, malgré les tendances autoritaires de V. Poutine et son comportement, probable héritage de sa formation initiale dans les services du KGB.
Pour comprendre l’attitude du Président russe, il faut cependant aller au-delà de cette considération de nature psychologique et bien voir qu’il a l’obsession de maintenir, voire de rehausser le statut de son pays, même s’il sait que la Russie ne retrouvera pas une position internationale comparable à celle de l’URSS. Il souhaite néanmoins apparaître aux yeux des Russes comme un chef inflexible, déterminé à résister aux Occidentaux et à obtenir d’eux une reconnaissance de son droit de regard sur les anciens territoires soviétiques.
Voilà pourquoi V. Poutine a vécu ce qui s’est passé à Kiev comme un échec personnel, d’autant plus cinglant qu’il s’accompagne d’une crainte : celle de voir la "contagion démocratique" atteindre la Russie après l’instauration en Ukraine d’un Etat de droit, débarrassé de la corruption et de la véritable "kleptocratie" qui y régnaient, ce dont la Russie n’est pas exempte. Les gesticulations russes peuvent paraître incompréhensibles si on ne les replace pas dans ce contexte.
Pour sortir de la crise, il faudra beaucoup de sang froid aux dirigeants et aux diplomates, car la situation est tendue et elle peut dégénérer à la suite d’un accident ou d’une provocation d’extrémistes. C’est pourquoi il est important que le contact soit maintenu entre les protagonistes. Les longues conversations entre responsables des grands pays ont certainement pour objet de définir les concessions à faire de part et d’autre pour éviter l’escalade et permettre à chacun de « sauver la face ».
Loin des gesticulations et des bruits de bottes, il faut aller vers une négociation internationale, qui mettra toutes les parties concernées autour de la table et qui abordera l’ensemble des questions (politiques, économiques, culturelles….) posées par cette crise. Il faudra notamment donner aux Ukrainiens, mais aussi aux Russes, les garanties sans lesquelles il ne pourra y avoir d’équilibre durable. Les élections qui se dérouleront fin mai seront importantes, puisqu’elles détermineront un gouvernement légitime ; elles doivent donc se tenir sous le contrôle d’observateurs internationaux. Cette négociation globale est la seule voie pour éviter les risques que pourrait faire courir à la paix une évolution incontrôlée de la situation.