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Le blog de Paul Quilès

Réflexions et informations sur la paix et le désarmement nucléaire, sur la démocratie et sur l'actualité politique.

N’écoutez plus les marchands d’illusion !

Publié le 12 Mai 2018 par Paul Quilès in Désarmement nucléaire

N’écoutez plus les marchands d’illusion !

      Il arrive que vous vous laissiez prendre par les tours de passe-passe des illusionnistes (les fameux prestidigitateurs) et pourtant vous connaissez le principe de leur technique. Ils attirent votre attention sur une image, un lieu, un produit, éloignés de ce qu’ils réalisent pendant ce temps-là et qu’ils vous présentent ensuite comme la réalité.

     L'art de créer l’illusion, c’est-à-dire de donner le sentiment du réel ou du vrai, fait partie du talent de l’illusionniste, mais l'illusion s’estompe dès qu’on découvre la technique utilisée.

    Cette façon de mentir, de tromper est amusante et distrayante, parce qu’elle ne porte pas à conséquence. Lorsqu’il s’agit par contre de "faire croire" dans des domaines aussi sérieux que la sécurité d’un pays, la défense, la guerre, les armes, la méthode de l’illusion est autrement plus dangereuse, parce qu’elle utilise alors des techniques qui s’apparentent à celles de la propagande et parfois, tout simplement, du mensonge: la déformation de la vérité, la dissimulation de la vérité, la sous-estimation de certaines données. C’est ainsi que se fabrique "l’illusion nucléaire".

     C’est pour ouvrir les yeux de nos concitoyens sur la façon dont on essaie de leur faire croire, à la façon des illusionnistes, que l’arme nucléaire leur apporte une garantie absolue de sécurité, que j’ai écrit (avec Jean-Marie Collin et Michel Drain) un livre* intitulé "L’illusion nucléaire- La face cachée de la bombe atomique".

     A partir de 22 récits concrets et précis, nous avons tenté de décrypter les mythes qui entourent les armes nucléaires, les accidents, les coups de chance, les atteintes à la crédibilité de la dissuasion, l’opacité budgétaire, le manque de contrôle parlementaire. Nous souhaitons ainsi réveiller les consciences et montrer que le maintien d’une politique de dissuasion nucléaire ne signifie rien d’autre que l’acceptation du risque d’un suicide collectif.

 

    * En vente en librairie dans quelques jours ou à commander sur Internet

 

Introduction du livre (extraits)

 

      La chute du Mur de Berlin et la fin de la Guerre froide ont, semble-t-il, totalement fait oublier aux Français les peurs que l’arme nucléaire a suscitées par le passé. Comment expliquer qu’ils ne paraissent pas concernés par la défense de leur territoire ou par l’argent public dépensé pour cet armement ? Pourquoi sont-ils conscients du risque que fait courir le changement climatique, alors que celui-ci, sauf changement majeur souhaitable,  concernera surtout les générations à venir ? Bien sûr, la pollution nous affecte déjà –et nous n’en mesurons pas complètement les effets à moyen et long terme-, mais ce n’est rien face à la cruauté des souffrances qu’une guerre nucléaire engendrerait. (…)

     Il est vrai que nous n’avons plus vraiment conscience du danger des armes nucléaires. Les bombes atomiques qui ont détruit les villes d’Hiroshima et de Nagasaki les 6 et 9 août 1945 restent un lointain souvenir. De plus, les images en noir et blanc diminuent la sensation de réalité à l’heure des films en trois dimensions. Et pourtant, plus de soixante-dix ans après, les survivants de ces drames, les hibakushas et leurs descendants, en subissent toujours les conséquences sanitaires.

      Thérèse Delpech, stratège internationalement reconnue, avait fait remarquer dans son ouvrage l’Ensauvagement  (2005) que « l’humanité n’apprend pas grand-chose des évènements qui n’ont pas eu lieu. Elle a besoin de commettre des erreurs, et même parfois de vivre des catastrophes, car ce sont elles qui la contraignent à emprunter de nouvelles voies ». Espérons que cette réflexion ne s’appliquera pas à l’absence de réelle prise de conscience du danger des armes nucléaires en ce XXIe siècle.      

    L’humanité a fait l’expérience de la destruction massive de villes avec les bombardements de Dresde ou de Tokyo pendant la seconde guerre mondiale. Il a fallu des centaines de bombardiers et des milliers de bombes pour détruire ces villes, alors que, pour Hiroshima et Nagasaki, un seul bombardier B-29, qui a largué une seule bombe atomique à chaque fois, a suffi pour la destruction des bâtiments et la mort de dizaines de milliers de civils en quelques instants. Mais ces catastrophes, pour terribles qu’elles soient, sont sans commune mesure avec les conséquences de la détonation de plusieurs dizaines ou de centaines d’armes nucléaires, susceptibles, de plus, de donner naissance à un hiver nucléaire. Nous entrerions alors dans une autre dimension, une autre ère de l’humanité. (…)

    Nous sommes en sursis et nous ne voulons définitivement pas penser à ce risque d’apocalypse. C’est pour cela qu’il faut promouvoir l’idée qu’un autre système de sécurité est possible, en ayant bien conscience, comme l’a dit l’ancien secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, que "le monde n’est pas simplement un somnambule qui se dirige vers un désastre. La vérité est pire, nous sommes endormis aux commandes d’un avion rapide. À moins que nous nous réveillions et que nous prenions le contrôle, le résultat est trop facile à prévoir." 

L’arme nucléaire, une garantie illusoire de sécurité

    (…) Alors que le monde évolue, que nous avons vécu de nombreuses révolutions techniques, que les nouvelles armes et leurs capacités d’action sont sans commune mesure avec celles du siècle précédent, c’est toujours la même politique de défense qui est mise en œuvre, celle imaginée par le Général de Gaulle ! (…)

     La stratégie de dissuasion comporte, tout particulièrement dans le contexte de l’après- Guerre froide, des risques pour tous les acteurs.

- Le premier de ces risques est celui de l’escalade nucléaire. L’arme nucléaire est présentée, par les pays qui la détiennent, comme un instrument visant à assurer la paix par l’équilibre de la terreur. Cette stratégie est cependant loin d’être sûre, comme le reconnaît la récente Revue de la posture nucléaire américaine : un échec reste possible par suite d’une méprise d’une des parties sur la détermination de l’autre. (…)

- Un second type de risques, que l’on voit aujourd’hui se concrétiser, est celui d’une course perpétuelle aux armements nucléaires engendrée par la recherche constante d’un équilibre des forces impossible à atteindre. Les stratégies nucléaires se présentent certes toujours comme défensives : elles ne feraient que viser un équilibre des capacités en prévoyant, pour chaque armement de l’adversaire potentiel, une possibilité de riposte au moins aussi dévastatrice. Mais cet équilibre ne peut jamais être réalisé : la dissuasion implique de se mettre constamment au niveau des capacités de l’adversaire potentiel. (…)

- Le troisième type de risques que fait courir cette politique de dissuasion nucléaire réside dans la mauvaise appréciation des intentions de l’adversaire, en particulier en cas d’actions militaires à proximité de son territoire.  (…)

Les mythes de l’arme nucléaire

    Au centre du discours sur la dissuasion nucléaire figurent des mythes généralement acceptés sans discussion, tels que « c’est l’arme nucléaire qui a mis un terme à la guerre contre le Japon », « la dissuasion nucléaire a assuré la paix depuis son apparition » ou encore « un monde sans armes nucléaires n’est pas une perspective réaliste ».

    Ces certitudes sont assénées la plupart du temps comme des vérités incontestables. Et pourtant, concernant par exemple le rôle de l’arme nucléaire sur la fin de la seconde guerre mondiale, il suffit simplement de lire certains textes pour démonter ce mythe. (…)

    Ces mythes ont alimenté la raison d’être de la Bombe et l’argumentation en faveur de son maintien dans notre politique de défense. La paix en Europe, ce serait grâce à la Bombe. La place de la France à l’ONU et notre indépendance, ce serait aussi grâce à La Bombe ! Et que dire de l’impossibilité de l’éliminer, puisqu’on vous dit qu’on ne peut pas la « désinventer » ! D’ailleurs tout le monde est d’accord, puisqu’il y a sur ce sujet un consensus !

    Les pages qui suivent détaillent ces fausses certitudes, ces omissions, ces sous-estimations, avec la volonté d’apporter un nouveau regard sur un sujet qui serait, paraît-il, trop compliqué à aborder avec le grand public et qui ne pourrait être évoqué que dans des cercles restreints par un public qualifié et en général favorable à la Bombe. (…)

 

     Nous pensons que les Français peuvent s’intéresser à de telles questions, pour autant qu’on leur donne des moyens d’accès à l’information. Malheureusement l’absence de grand débat public et équitable au Parlement et dans les médias est sans aucun doute en partie à l’origine de leur abandon d’intérêt pour ce sujet. (…)

Sortir de l’illusion

    Nous sommes en 2018 à la croisée des chemins, face à une situation internationale dangereuse, caractérisée par de multiples tensions et par les bouleversements d’un monde devenu multipolaire. Mais cette période est aussi celle où une majorité d’Etats du monde a décidé de prendre en main le désarmement nucléaire. Le 7 juillet 2017, ces Etats ont voté aux Nations-Unies, à une écrasante majorité, l’adoption d’un traité d’interdiction des armes nucléaires. Celles-ci ont donc à présent vocation à devenir illégales au regard du droit international, au même titre que les autres armes de destruction massive, biologiques et chimiques, respectivement interdites en 1972 et en 1993. (…)

N’écoutez plus les marchands d’illusion !
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M
merci
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