La présidente du groupe pharmaceutique Janssen France, Emmanuelle Quilès, rappelle dans une tribune au « Monde » que l’équité salariale doit aujourd’hui être une priorité pour assurer l’égalité femmes-hommes en entreprise.
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L’accès des femmes aux postes de responsabilité passe par la remise en cause de préjugés culturels
Soyons clairs une bonne fois pour toutes : l’égalité femmes‐hommes en entreprise est synonyme de performance économique. Etude après étude, les conclusions convergent vers cette certitude. Pourtant, si les femmes représentent 50 % de la population mondiale, elles n’occupent encore que 25 % des postes de management, 5 % des postes de PDG et elles ne sont que 12 % à siéger aux comités de direction dans les pays du G20 (13,6 % en France).
Une sous‐représentation qui n’a rien à voir avec le supposé « manque d’ambition des femmes » que j’entends parfois, entre cynisme et arrogance, puisque 79 % des femmes et 81 % des hommes assurent vouloir accéder à des postes de « top management ». Et qui ne met pas en avant les entreprises qui ont 60 % de femmes siégeant au comité de direction, selon l’étude McKinsey Women Matter.
Une meilleure mise en valeur des compétences féminines ne permettrait‐elle pas de générer 12 000 milliards de dollars supplémentaires d’ici à 2025, soit 11 % du PIB mondial, toujours selon la même étude ? Le constat est sans appel et le gâchis immense en termes de croissance économique globale, notamment dans nos économies matures aux populations vieillissantes et à court de forces vives. Si ces arguments économiques en faveur d’une égalité réelle sont déterminants, ils ne sont pas suffisants.
Le sujet n’est pas nouveau : l’histoire des idées est jalonnée de penseurs masculins qui ont formulé clairement leurs convictions sur l’égalité. Parmi les plus illustres : Condorcet, véritable pionnier de la lutte pour les droits des femmes dont les premiers écrits de militant sont publiés dès 1787, se faisant sans relâche l’avocat de « l’admission des femmes au droit de cité ». Moins d’un siècle plus tard, l’économiste John Stuart Mill, dans son livre De l’assujettissement des femmes (1869) dévoile un plaidoyer magistral en faveur d’une égalité totale.
Echanger, communiquer
En recherchant récemment sur Internet « homme féministe », je n’ai pas trouvé grand‐chose. Comme si les deux concepts étaient antinomiques. Mais il est vrai que notre civilisation occidentale a été écrite comme une métaphysique de l’« Un », et que cet «Un » est masculin. Comme l’explique très bien la philosophe et psychanalyste Cynthia Fleury, « l’homme est à la fois au centre et au sommet, et ce depuis des millénaires ». Alors on pourrait se dire que ce sommet restera longtemps inaccessible, ou bien on agit, ce qui est ce que je veux, en cette journée internationale des droits des femmes.
On agit. Non pas pour faire de la parité une bataille de femmes pour les femmes mais en faire un combat universel. Agir pour désapprouver publiquement certains comportements, agir pour créer une union sacrée femmes‐hommes, agir pour désamorcer nos biais inconscients en entreprise grâce à des actions de formation… Mettre bout à bout une série d’actions simples, mesurer leur impact, échanger les idées, communiquer, c’est contribuer à déconstruire un environnement hostile à l’ascension féminine et changer les mentalités.
L’accès des femmes aux postes de responsabilité passe par la remise en cause de préjugés culturels liés d’une part à la vision stéréotypée du leadership masculin dans l’entreprise et d’autre part à la conception du rôle de l’homme‐chef de famille et « gagne‐pain principal ». Heureusement, des mesures de progrès, comme le congé paternité, donnent un coup d’accélérateur salutaire pour déconstruire un certain nombre de préjugés sur les parcours de carrière. Mais il nous faut aller plus loin : le sujet de l’équité salariale est désormais au coeur de nos priorités et c’est tant mieux, car le silence ne peut plus avoir valeur d’assentiment dans ce domaine.
Ce combat pour la parité doit nous mener bien au‐delà de l’attention que nous sommes invités à porter aux femmes dans les entreprises en ce jour du 8 mars. Cocher les cases ne permet plus à nos entreprises d’atteindre le niveau d’ambition dont elles ont besoin pour relever les défis qui s’offrent à nous. Ces défis s’appellent innovation, transformation, inclusion. Rien que des noms féminins.