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Le blog de Paul Quilès

Réflexions et informations sur la paix et le désarmement nucléaire, sur la démocratie et sur l'actualité politique.

L'Inde, le Pakistan et le risque nucléaire

Publié le 2 Mars 2019 par Paul Quilès in Désarmement nucléaire

L'Inde, le Pakistan et le risque nucléaire

Le nucléaire limite le risque de guerre…sans le limiter !

 par

                    Bernard Norlain, général d’armée aérienne (2S), vice-président d’IDN                       et Paul Quilès, ancien ministre de la défense, président d’IDN

 

     A la faveur des graves affrontements de ces derniers jours entre l’Inde et le Pakistan, les experts auto-proclamés ont ressorti leur vieil argument du « rôle stabilisateur de l’arme atomique ».

     Mais comme la situation est non seulement plus explosive que jamais et qu’elle n’est plus, en tout cas beaucoup moins, sous contrôle des puissances tutélaires traditionnelles, ces experts viennent d’inventer un nouveau concept stratégique : la limitation sans limitation. Le raisonnement de cette sorte d’oxymore stratégique est le suivant : les armes nucléaires détenues par ces deux pays les empêchent de se livrer à une escalade militaire qui pourrait déboucher sur un conflit nucléaire, mais (et c’est le mais qui est important !) l’exacerbation nationaliste et religieuse actuelle est telle que la retenue prétendument liée à la possession de l’arme nucléaire pourrait ne plus suffire et céderait devant une sorte de tsunami guerrier. En somme, le fait nucléaire inciterait à la retenue…. mais pas trop.

     En réalité, si les conflits locaux ont pu rester circonscrits jusqu’à nos jours, c’est avant tout parce que les grandes puissances concernées -Etats-Unis, Chine, Russie- ont pu exercer une influence modératrice et une sorte de tutelle stratégique.

     Cependant, depuis quelque temps déjà, l’activisme de certains mouvements islamistes a pu faire craindre une perte du contrôle nucléaire par les autorités pakistanaises et le début d’une prolifération nucléaire terroriste. Mais aujourd’hui, le contexte a radicalement changé : la nouvelle présidence américaine, l’expansionnisme chinois, la soif de revanche russe et son tropisme des mers chaudes, le réarmement nucléaire et conventionnel particulièrement de l’Inde font que l’arme nucléaire devient une source d’instabilité - régionale et même mondiale- extrêmement dangereuse.

     Il est temps d’abandonner les vieilles antiennes et les dogmes archaïques sur le nucléaire militaire qui serait facteur de paix et de stabilité. Le réalisme voudrait que l’on cesse de croire que l’arme atomique ne sera jamais utilisée. Il y a une certitude : le risque est de plus en plus grand qu’elle soit utilisée et il y a de grandes chances pour qu’elle le soit en premier dans cette région.

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B
La croyance dans la dissuasion nucléaire réciproque, facteur de paix, est probablement la principale raison de l’acceptation généralisée des armes atomiques. Elles seraient un facteur de paix par crainte de l’apocalypse. Cet aspect fut même largement théorisé, par exemple par Kenneth Waltz en 1981. Il n’est pas difficile de démontrer que de telles conceptions sont dangereuses. Accepterions-nous même de laisser quiconque manipuler un obus de la première guerre mondiale qu’il aurait trouvé ici ou là ? Pourtant, admettre que l’opinion et la communauté internationales se mobilisent davantage autour du combat de coqs entre USA et Corée du Nord d’une part ou entre Inde et Pakistan de l’autre n’est-il pas à mettre en partie au compte de l’armement nucléaire de ces quatre pays ? Cette mobilisation est-elle aussi conséquente lorsqu’éclatent et perdurent certains conflits armés, par exemple en Afrique ou au Yémen ? Les conséquences mondiales d’une conflagration nucléaire, même localisée, ne sont-elles pas un facteur de pression sur d’éventuels candidats belligérants ?<br /> Si mon objection est valable, le combat justifié contre le risque épouvantable de guerre nucléaire ne devrait-il pas concéder cet aspect pour mieux souligner le risque croissant de voir la situation déraper un jour ou l’autre à force de tutoyer l’inconcevable ?
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