Une révolution se prépare dans les affaires militaires. Elle est liée à la révolution numérique et à l’accélération exponentielle de technologies dites disruptives, qui changent radicalement la nature des conflits et les formes de la guerre. Il devient donc indispensable de s’interroger sur la pertinence de l’arme nucléaire et de la dissuasion nucléaire dans ce nouvel environnement stratégique.
Le développement de nouveaux armements comme les missiles hypersoniques, les armes à énergie dirigée ou à hyperfréquences se conjugue avec l’apparition de nouveaux champs de conflictualité comme le cyber-espace, l’espace lui-même et l’essor fulgurant de l’intelligence artificielle et de l’informatique quantique.
Ces nouvelles technologies dessinent un champ conflictuel totalement différent de celui de la guerre froide. Les formes de la guerre subissent une transformation radicale : cyber-guerre, guerre dans l’espace, guerre hybride, guerre informationnelle pour ne citer que les formes d’affrontements guerriers.
Dans ce paysage stratégique bouleversé où la distinction entre la guerre et la paix devient plus floue, où l’agresseur devient difficile à identifier et où la guerre devient instantanée, la dissuasion nucléaire n’a pas sa place. De quelque manière que l’on en examine son rôle, son utilité, l’arme nucléaire n’a plus de pertinence stratégique et il va être difficile de continuer à affirmer que cette arme, qui repose sur une technologie vieille de 80 ans, est "la clé de voûte" de nos politiques de défense.
Malheureusement, si elle n’est plus utile, cette arme conserve tout son pouvoir de destruction de l’humanité et de son environnement. Pour s’en prémunir, des mesures de contrôle des arsenaux nucléaires, de limitations, de réductions et à la fin d’élimination de ces systèmes d’armes peuvent être envisagées, sans que les besoins de sécurité légitimes des nations ne soient obérés.
Seule une nouvelle politique de défense de notre pays nous permettra d’affronter les défis de sécurité actuels et à venir. Elle nécessite une réflexion qui ne soit plus figée ni paralysée par la pensée nucléaire unique remontant à la guerre froide, mais une réflexion ouverte prenant en compte les évolutions technologiques, économiques, sociales, sanitaires qui sont les réalités du monde qui vient.
Un nouveau "livre Blanc de la défense" s’impose et devra faire l’objet d’un débat parlementaire.
Paul Quilès, Président d'IDN (Initiatives pour le Désarmement Nucléaire)
Bernard Norlain, vice-Président d'IDN et responsable d'une étude
sur les "nouvelles technologies"