
C'est pour moi l'occasion, une fois de plus, de constater que l'on préfère trop souvent une vision sommaire et déformée de l'Histoire à la simple vérité des faits.
Voici donc le texte que j'ai à nouveau envoyé à plusieurs journaux, qui m'ont promis de tenir compte de ma mise au point....la prochaine fois!
Comme dit l'adage, "l'espoir fait vivre".
Paul Quilès
A propos du Congrès de Valence
Personne n’a mieux résumé le travestissement médiatique dont a été l’objet mon intervention au congrès de Valence (1981) que Michel Rocard (“l’Histoire” – octobre 1993) : “la télévision a besoin d’images et elle déforme tous les débats d’idées, les transforme en déviances, en crise, pour les besoins du spectaculaire. On a fait dire à Paul Quilès le contraire de ce qu’il avait dit, puisque ses propos visaient précisément à empêcher toute chasse aux sorcières”.
Pour ceux qui souhaiteraient aller au-delà des stéréotypes, je voudrais rappeler qu’en cet automne 1981, alors qu’il était procédé aux changements qui affectent traditionnellement la haute administration lors de l’arrivée d’un nouveau gouvernement, j’étais inquiet de l’attitude de certains cadres socialistes. La tentation commençait à se répandre parmi eux de parler haut et fort dans leurs départements. Responsable du bon fonctionnement des fédérations départementales, je souhaitais stopper cette évolution dangereuse, éviter ce qui aurait pu ressembler à une chasse aux sorcières.
C’est pourquoi je fis allusion à un épisode de la Révolution française – le 9 Thermidor – pour montrer qu’en politique il faut nommer ses adversaires, sous peine de coaliser contre soi tous ceux qui, à tort ou à raison, peuvent se sentir visés. Ce faisant, je commettais l’erreur de prononcer un nom – Robespierre - ayant une forte charge négative et de surestimer les connaissances historiques des commentateurs.
Il est vrai que l’atmosphère politique était alors très tendue, pour ne pas dire passionnelle, et que cette passion se reflétait dans certains discours. Cela ne suffit pas à expliquer comment une phrase, isolée de son contexte, a pu être traduite à l’inverse de ce qu’elle signifiait. Dans l’un des rares articles qui rendirent compte des faits de façon objective, Laurent Dispot, sous le titre “La dépêche d’Ems” (Le Matin de Paris, 28 octobre 1981), s’étonna du “tour de passe-passe sur la transmission de (mon) discours”. “De critique de Robespierre, il est devenu Robespierre lui-même !” concluait-il à mon endroit.
Il disait vrai. Malgré mes explications, c’était la première interprétation qui faisait foi. Extraordinaire impact d’une lecture sommaire de l’événement !
Le Parti socialiste, qui venait d’obtenir la majorité absolue au Parlement, vit son congrès proprement détourné. Et les socialistes assistèrent, impuissants, à une espèce de rapt idéologique : ils étaient devenus les spectateurs de leur propre congrès.