Alors que la coalition internationale a commencé à intervenir en Libye, sur mandat du Conseil de sécurité de l’ONU (résolution du 17 mars), je souhaite résumer ma réflexion, que j’ai exprimée à de très nombreuses reprises au cours des derniers jours*.
Ecouter :
- interview de Paul Quilès sur Europe 1
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- interview sur BFM TV
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Je ne vais pas réécrire l’Histoire, mais je regrette qu’elle ait été écrite mal et tard. Jugez-en plutôt :
- le 24 février, sur RMC , je lance un « appel au Président de la République pour qu’il fasse prendre une décision dans la journée : celle d'intervenir auprès du Conseil de sécurité – dont la France est l’un des cinq membres permanents qui ont le droit de veto et donc un rôle prépondérant –, pour mettre en place une "zone d’interdiction de survol aérien". » Pas de réponse….
- le 26 février, le Conseil de sécurité adopte la résolution 1970, qui impose des sanctions économiques au régime du dictateur libyen et qui saisit la CPI (Cour Pénale Internationale) , afin que Kadhafi et ses proches y soient déférés pour « crimes contre l’humanité ». Aucune mention sur l’instauration d’une « zone d’interdiction de survol aérien »….
- le 3 mars, sur RFI, je rappelle l’urgence de l’instauration de cette zone, au nom de la doctrine sur « la responsabilité de protéger » adoptée par l’ONU en 2005.
- le 9 mars, devant les tergiversations de la Communauté internationale et les mauvais arguments pour justifier l’inaction, j’exprime mon inquiétude et ma colère sur ce blog (« Lâcheté ? »)
- le 17 mars, le Conseil de sécurité adopte enfin la résolution 1973 (« Un espoir pour la Libye »)
Les risques de ce retard
Entre le 24 février et le 17 mars, il s’est écoulé 3 semaines, pendant lesquelles Kadhafi a cassé l’élan des opposants. Des villes ont été reprises et saccagées (Zaouïa, Misrata) ; les massacres ont continué.
Si la « zone d’interdiction de survol aérien » avait été instaurée il y a 3 semaines, les opposants auraient pu poursuivre leur marche vers Tripoli. Si cela avait été fait il y a 2 semaines, les forces de Kadhafi ne se seraient pas approchées de Benghazi et il n’y aurait pas eu 200 000 personnes fuyant la Libye pour l’Egypte.
Cette décision tardive rend les opérations de la coalition –même si l’intervention était nécessaire- encore plus compliquées. Les risques pour les populations civiles sont évidents et toutes les précautions doivent être prises pour éviter ce que les militaires appellent pudiquement des « dégâts collatéraux ».
L’objectif ne peut naturellement pas être d’«instaurer la démocratie par des bombardements ». Il s’agit de desserrer l’étau imposé par les forces de Kadhafi, pour permettre aux opposants libyens, qui sont des gens courageux et épris de liberté, de faire émerger une relève institutionnelle.
Personne ne peut envisager sérieusement de négocier avec un dictateur que l’on est en train de traîner devant la Cour pénale internationale. Les pays qui feignent de s’indigner de cette intervention ne sont pas des exemples de démocratie et on voit bien qu’ils craignent que « la responsabilité de protéger » leur peuple ne leur soit un jour rappelée par l’ONU. Comment ne pas penser par exemple aux évènements sanglants qui viennent de se dérouler au Yémen et à Bahrein ? Attention au syndrome du « 2 poids, 2 mesures », qui deviendrait vite insupportable.
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* Derniers interviews de Paul Quilès sur la situation en Libye :
- 17 mars : France Inter
- 18 mars : France 24
- 19 mars : BFM TV, Europe 1, I Télé, France Info, LCI, Dépêche du midi
- 20 mars : RMC, Sud Radio
- Lire ou écouter la Revue de presse d'Ivan Levaï sur France Inter