Paul Quilès, ancien ministre, signataire de l’appel de Gauche Avenir*
« Donner un coup de pouce » au SMIC: une nécessité
Il faut avant tout mesurer l’importance du SMIC, qui est le salaire de référence pour 2,5 millions
de salariés et qui concerne 20% des femmes, 20% des ouvriers, 25% des employés, 30% des moins de 25 ans et 40% des salariés à temps partiel.
Donner un coup de pouce au SMIC était nécessaire et faisable. Tout au long de la récente période électorale, la gauche n’a cessé de le dire. On ne voit pas ce qui, aujourd’hui,
devrait nous conduire à nous renier !
Nécessaire, une hausse du SMIC plus substantielle que le minimum légal de 2,1% l’était indiscutablement, parce que cela constitue un moyen privilégié de
revaloriser les bas salaires et de dynamiser les négociations salariales. Le sentiment d’appauvrissement qu’éprouvent les salariés est d’autant plus douloureux que les hauts salaires ont continué
à augmenter fortement, alors que le pouvoir d’achat des autres ralentissait, voire diminuait. Un récent document de l’INSEE le confirme : il montre que « les ménages à bas revenu ont
été plus exposés aux hausses de prix que les autres ménages ».
De façon étonnante, N.Sarkozy lui-même reconnaît cette situation : « Il faut cesser de dire aux Français que leur pouvoir d’achat augmente, parce qu’il n’y a pas un seul
Français qui le constate » ! Malheureusement, les mesures qu’il demande à son gouvernement de mettre en œuvre sont loin de répondre à ce constat : des cadeaux fiscaux de plus de 15
milliards d’euros pour les plus fortunés, une hausse de 5 points de TVA à l’étude, qui viendra grever le pouvoir d’achat des catégories populaires, des allègements de cotisations patronales de
sécurité sociale….
Tout ceci montre que donner un coup de pouce au SMIC était non seulement nécessaire, mais faisable. Bien entendu, les représentants du patronat poussent
traditionnellement des cris d’orfraie à l’évocation d’une telle mesure. Ils semblent oublier que des dispositifs d’allègement ont été mis en place pour « neutraliser » les augmentations
du SMIC et que, par exemple, les exonérations de cotisations sur les bas salaires « Fillon » (2005) ont coûté 16,2 milliards d’euros à l’Etat.
Au lieu d’aborder sérieusement la question de la revalorisation des salaires et de la redistribution des gains de productivité en période de croissance, le gouvernement
préfère s’en tenir au slogan de campagne « travailler plus pour gagner plus ». Le problème est que sa traduction concrète –l’encouragement aux heures supplémentaires- va vite apparaître
comme une mystification. D’abord, les heures supplémentaires ne dépendent pas du volontariat des salariés ; elles sont décidées uniquement par l’employeur, en fonction des besoins de
production de l’entreprise. Ensuite, cette mesure ne favorise pas l’embauche de salariés nouveaux et elle ne modifie en rien la situation de précarisation de l’emploi, si préoccupante
aujourd’hui. Enfin, elle peut conduire à de la fraude, par des déclarations d’heures supplémentaires non effectives.
La décision de ne pas donner de coup de pouce au SMIC est symbolique. Certains pourraient s’attacher aux aspects économiques de ce choix, qui oublie que le dynamisme de l’économie
française repose essentiellement sur la consommation intérieure, donc sur le pouvoir d’achat des Français. J’y vois plutôt un choix de société, car il n’est finalement pas étonnant qu’au delà des
discours électoraux alléchants, ce gouvernement de droite fasse le choix d’une politique profondément inégalitaire et injuste.