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Le blog de Paul Quilès

Réflexions et informations sur la paix et le désarmement nucléaire, sur la démocratie et sur l'actualité politique.

Modernité et actualité de Jaurès

Publié le 31 Juillet 2008 par Paul Quilès in Jaurès

A l'occasion de la commémoration de la mort de Jaurès, il n'est pas inutile, alors que la gauche de 2008 semble désemparée, de revenir sur ce que le grand tribun socialiste nous a appris (une partie de mon texte a été publiée le 31 juillet 2008 dans Libération sous le titre "Socialistes, il est encore temps de relire Jaurès" et dans la Dépêche du Midi sous le titre "Un homme moderne et actuel")

Lire également dans ce blog l'analyse de Gilles Candar, historien jauressien, signataire de l'appel de Gauche Avenir.
                        
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     31 juillet 1914. Un cri s’élève dans les rues de Carmaux : « Ils ont tué Jaurès !»  Terrible tragédie, qui se poursuit le lendemain par la déclaration de guerre.

     Ce dramatique événement a été le point de départ de la grande fresque que nous avons réalisée à Carmaux en 1994. Nous avons voulu faire revivre les moments forts de la vie du grand tribun que fut Jaurès, parce que c’est ici qu’il a mené ses premiers combats aux côtés des mineurs et des verriers et qu’il a façonné les chemins de sa pensée politique. C’est certainement pour cela que le spectacle a rencontré un immense succès à travers toute la France et tout particulièrement dans le Carmausin.

     Mais l’évocation d’un événement, aussi fort soit-il, ne suffit pas. Je me souviens de la remarque ironique du patron du Café du Croissant, lorsque, le 31 juillet 1994, nous avions, avec Pierre Mauroy, déposé une gerbe sur les lieux du drame : « Vous, les socialistes, on ne vous entend parler de Jaurès qu’au moment des commémorations ! ». C’était un peu injuste. Sinon, quelle erreur ce serait pour les socialistes d’oublier la modernité et l’actualité de la pensée de Jaurès !

     Modernité et actualité que d’affirmer la nécessité d’aller plus loin dans l’approfondissement de la République ; …que de répéter que les droits sociaux sont indissociables des droits politiques ;…que de combattre pour l’abolition de la peine de mort ;…que de plaider pour l’arbitrage international des conflits et de rejeter les solutions militaires pour les résoudre.

     Il faut relire Jaurès, quand on est de gauche. Méditer son histoire, sa pensée et surtout sa pratique. Celle d’un Jaurès à la fois intellectuel et philosophe brillant, homme politique influent, journaliste courageux, militant socialiste ardent et sans tache, parlementaire actif, présent sur tous les terrains, sachant faire la synthèse entre l’action locale, les discours à la tribune de la Chambre des députés, les débats dans les congrès de son parti et l’action au sein de l’Internationale socialiste.

     Orateur exceptionnel, qui maniait le verbe avec un rare bonheur devant tous les publics, Jaurès ne cédait jamais à la démagogie, même sur la forme, puisqu’il considérait qu’il ne fallait pas mépriser le peuple en réservant la belle langue aux élites.

     Mais la grandeur de Jaurès, c’était probablement d’agir, car qu’est-ce que la parole sans l’acte ? Et Jaurès n’a cessé d’agir : pour la paix, contre la guerre ; pour l’unité des socialistes ; pour la défense des plus humbles ; pour la justice (son combat pour la réhabilitation de Dreyfus). Comme il agissait, il était critiqué, détesté. Nul ne fut plus que Jaurès l’objet d’un tel dénigrement, d’une telle haine. Avec le temps, on a parfois tendance à donner de lui une image consensuelle, presque « bonhomme », alors qu’il était un homme au tempérament fort, un lutteur déterminé à défendre à tout prix ses convictions.

     Il en fut d’ailleurs la victime le 31 juillet 1914. Ce jour là, son assassin pensait tuer tout ce qu’il représentait. Près d’un siècle plus tard, sa mémoire demeure bien vivante, son message de paix reste toujours actuel. Sa pensée porte l’espoir, plus que jamais.

     François Mitterrand disait qu’« il faut toujours revenir à Jaurès », dont il décrivait la pensée en ces termes : « Elle est une espérance, mais jamais un système. Parce qu’elle plonge ses racines dans le goût pour la vie, elle en affronte toutes les contradictions. Ce sont les contradictions de la République elle-même : entre ordre et progrès, entre raison et liberté. Jaurès aura tenté, sans jamais se lasser malgré les épreuves, cette difficile synthèse (…) Il a toujours su s’écarter des deux périls opposés qui menacent tout engagement politique : l’excès d’idéalisme et l’excès d’opportunisme ; la tentation de préférer à l’homme une théorie de l’homme ; la tentation de capituler, au nom de la raison, devant les résistances du réel. C’est l’honneur de Jaurès d’avoir conjuré ces périls : d’avoir affirmé qu’il n’y a science, ni progrès hors de la démocratie ; d’avoir tracé la voie entre les dogmatismes qui conduisent à la terreur et les renoncements qui fomentent les servitudes. Puisse cet exemple de courage demeurer vivant dans les mémoires ». 
                                                                                  
                                                                                                Paul Quilès

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