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Le blog de Paul Quilès

Réflexions et informations sur la paix et le désarmement nucléaire, sur la démocratie et sur l'actualité politique.

La Covid au secours du climat?

Publié le 13 Juin 2021 par Paul Quilès in Energie et environnement

La Covid au secours du climat?

Pierre Calame, organisateur des Assises du climat a montré à plusieurs reprises que la lutte contre le réchauffement implique un changement de régime de gouvernance de l'énergie fossile, l'adoption d'une Charte des responsabilités humaines pour mettre tous le secteurs en face de leur responsabilité, une gouvernance à multi-niveaux pour coordonner les actions menées à différentes échelles du mondial au local et un dialogue direct entre sociétés pour bousculer les logiques étatiques de souveraineté.

Mais c'est ce qui fait toute la difficulté. Or, en 2020 et 2021 la pandémie de la Covid vient nous montrer que face à l'urgence, bien des choses réputées impossibles deviennent possibles.

Et si on s'en inspirait? C'est l'objet de ce texte de Pierre Calame et de sa tribune parue dans Ouest France le samedi 22 mai.

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La Covid au secours du climat

Comme vous le savez, depuis près de vingt ans, je m'attache à promouvoir les quatre grandes ruptures nécessaires du vingt et unième siècle, telles qu'elles se sont dégagées de l'Assemblée mondiale de citoyens de décembre 2001. Elles  reflètent toutes quatre le grand bouleversement anthropologique et politique qui découle du fait que les interdépendances entre le sociétés sont devenues irréversibles et que l'impact de l'humanité sur la biosphère est si massif que notre mode de vie en menace son intégrité, jusqu'à remettre en cause notre propre survie.

Ces ruptures sont:

- le changement de paradigme économique et ce que j'appelle "le grand retour en avant vers l'oeocnomie";

- la nécessité d'une base éthique commune fondée sur la responsabilité et permettant d'asseoir un droit mondial;

- la révolution de la gouvernance;

- la transformation des relations entre les sociétés qui ne sauraient aujourd'hui être représentées par les relations entre les Etats.

Il arrive de désespérer de voir ces ruptures s'opérer à temps, tant est grande  l'inertie des systèmes de pensée et des systèmes institutionnels.

Le réchauffement climatique est au coeur de ces quatre ruptures, comme le soulignent les conclusions des Assises qui viennent de s'achever  (www.assisesduclimat.fr). La lutte contre le réchauffement suppose en effet un nouveau régime de gouvernance de l'énergie fossile, un droit international et européen mettant les acteurs en face de leurs responsabilités, une gouvernance à multi-niveaux pour coordonner l'action aux différentes échelles et un dialogue entre sociétés pour qu'elles assument ensemble la sauvegarde du bien commun.

De ce fait, cette lutte semble combiner tous les handicaps à la fois. Mais dans certaines circonstances, tous les verrous sautent. C'est ce que montre la pandémie de la Covid. Cette constatation m'a inspiré la tribune ci-dessous publiée dans Ouest France le 22 mai. 

Pierre Calame

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                                                  Tribune Ouest France 

La mise en sommeil de l’économie au cours des confinements, le télétravail, le couvre feu ont fait sérieusement chuter les émissions de gaz à effet de serre : dans une économie biberonnée à l’énergie fossile, seules les crises ont, depuis trente, ans un effet significatif sur notre empreinte écologique. On chercherait vainement sur les courbes d’émission l’effet des  conférences internationales consacrées à la sauvegarde du climat. Les crises économiques, elles, y sont très clairement visibles…. mais leur effet est éphémère. Malgré les serments solennels de nos dirigeants sur le « monde d’après » la Covid, sur la réinvention du capitalisme et la priorité accordée à la transition écologique dans les plans de relance, chacun attend avec impatience le retour au « monde d’avant ».  Faut-il en conclure que la pandémie, n’aura servi à rien ?

Au contraire ! Mais les leçons ne sont pas celle que l’on croit. « Si le climat était une banque,, il serait déjà sauvé »,  soupirent les militants d’Agir pour le climat, faisant  référence à l’injection par les Banques centrales de centaines de milliards dans l’économie en  2008-2009, au mépris de  l’orthodoxie financière, pour éviter l’implosion du système. Ah, si le  réchauffement climatique  était un rétrovirus pourrait-on ajouter ! Oubliés les déficits publics, le plafond de la dette. Et que dire de l’innovation technique. Il fallait cinq ans pour produire un nouveau vaccin, le délai a été réduit à un an. L’ARN messager restait une technique confidentielle, le voilà inclus dans des milliards de doses de vaccin. Le télétravail se généralise soudain.

Tout ce que l’on disait impossible devient soudain possible C’est cela la leçon. Quand une menace diffuse, à long terme, concernant tout le monde et  dont personne n’est donc responsable, comme c’est le cas du réchauffement climatique, se transforme en menace immédiate pour l’ensemble du système, les dogmes implosent, les capacités d’invention radicale se révèlent. Voila les vraies leçons de la pandémie pour le climat .

Pour appliquer ces recettes au climat il faut transformer les engagements à long terme, comme « la neutralité carbone », qui n’engagent personne, en des engagements impératifs à court terme. Notre empreinte écologique totale, où que se produisent les émissions de gaz à effet de serre associées à notre mode de vie, est aujourd’hui de 10 tonnes d’équivalent CO2 par habitant et par an. Elle doit tomber à 2 tonnes en 2050, faisons en un impératif catégorique :  une réduction de l’empreinte de 5 % par an. Et, cela, dès l’an prochain ! Le seul moyen socialement juste et économiquement efficace d’y parvenir est d’allouer à chaque Français un même quota d’émissions qui se réduira donc lui aussi  de 5 % par an. Mettant les plus riches, dont l’empreinte écologique actuelle est cinq fois, dix fois supérieure à la moyenne, dans l’obligation de racheter des parts de quotas à ceux qui, par nécessité ou par vertu, sont moins dispendieux. La distribution de quotas librement négociables et leur réduction annuelle seront un formidable accélérateur des innovations techniques et de leur mise en œuvre car ce seront les plus riches qui y auront le plus intérêt : sans quotas à acheter aux autres leur revenus colossaux ne leur permettront pas  de maintenir leur mode de vie. Investir dans des modes de vie sobres sera la seule possibilité pour eux de se procurer un supplément de quota. Il est toujours prudent que l’intérêt et la vertu tirent dans la même direction…

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